« La
première phase : le placement. Contrairement aux
délits sous-jacents, la blanchiment de l’argent est processus dynamique à trois
phases : le placement, l’empilage et l’intégration. Chacune de ces phases
est innocente en soi, mais prises ensemble, elles constituent une tentative de
dissimulation du profit tiré d’une activité délictueuse. La première
phase : le placement (conversion des espèces). Elle est aussi appelée
immersion ou prélavage. Elle consiste à placer, par diverses techniques les
unes plus sophistiquées que les autres, de l’argent liquide dans le système
bancaire, en dissimulant son origine illégale. C’est la phase la plus
vulnérable et la plus risquée pour le criminel. C’est la raison pour laquelle,
celui-ci fait appel à différentes techniques pour masquer l’origine illicite de
l’argent. Parmi celles-ci, il y a
Le
fractionnement des dépôts bancaires appelés aussi
« schtroumpfage ». Les énormes sommes d’argent tirées de l’activité
illégale sont fractionnées en sommes plus petites, qui seront par la suite
déposées dans un compte bancaire. Il est fait appel à des personnes anodines
appelés « schtroumphf » pour les dépôts.
La
déclaration de faux gains aux jeux. Cette technique
consiste à acheter des plaques de jeux au casino avec de l’argent liquide tiré
d’une activité illégale, puis, à les convertir plus tard en argent que l’on
fait croire avoir gagné au casino.
L’achat
de biens de luxe au comptant. Ici, des objets de
luxe (voitures, objets d’art, bijoux, équipements électroniques, bateaux, etc.)
sont achetés et payés en espèces. Ils sont utilisés ou revendus plus tard. Dans
certains cas, ces biens sont enregistrés au nom d’amis ou de parents. Il y a
une variante de cette technique qui s’appelle « la fourmi japonaise »,
elle consiste à remettre des sommes d’argent d’origine criminelle à plusieurs
complices qui achètent des bijoux, des parfums, des sacs de luxe à Paris par
exemple. Ces articles sont commercialisés plus tard au Japon comme
« article de luxe » dans des boutiques de luxe appartenant au
trafiquant.
L’amalgame
entre argent sale et les recettes d’une entreprise légale.
Avec cette technique, les criminels achètent des commerces tels que des
pizzerias, boulangeries, bijouteries, casinos, hôtels, restaurants, grandes
surfaces de commerce. L’argent d’origine criminelle est mélangé avec la caisse
et une tricherie est opérée sur la comptabilité.
L’envoi
fictif de l’argent à l’étranger. Cette méthode
consiste à se présenter à la Poste par exemple, avec une somme d’argent
inférieure au seuil de la déclaration de soupçon et à demander à l’envoyer par
mandat au crédit d’une personne fictive qui serait établie dans un autre pays.
Au bout de quelques semaines, personne n’étant venue retirer l’argent au bureau
de poste du destinataire, on demande le remboursement du mandat qui
s’effectuera par un chèque tiré sur le Trésor public.
La
technique du « Hawala ». Elle est utilisée dans des
communautés très soudées (groupe ethniques, bandes organisées, confréries) et
désigne toute opération commerciale ou financière informelle basée sur la
confiance et fonctionnant en dehors de tout cadre juridique. Les transactions
ne sont pas enregistrées et ne laissent donc pas de trace.
L’auto-prêt,
avec cette technique, le trafiquant remet à un complice une somme d’argent
illicite. Le complice « lui prête » une somme équivalente, documents
à l’appui, pour créer l’illusion que l’argent du criminel est légitime. Le
calendrier de remboursement de l’emprunt par le criminel ajoute à l’apparence de
légitimité de la combine.
L’assurance-vie.
Cette technique consiste à souscrire des contrats d’assurance-vie pour des
primes très élevées. Au bout de quelques mois, on fait annuler le contrat pour
toucher des sommes beaucoup moins élevées.
La
deuxième phase : l’empilage (dissimulation des
ressources) cette phase est appelée « dispersion » ou
« brassage ». L’argent sale ayant été déposé sur un compte en banque
sans éveiller de soupçon, il faut désormais brouiller les pistes. L’empilage
consiste donc à éloigner les revenus illicites de leurs sources à travers une
série de transactions financières qui, par leur complexité et leur opacité,
permettent de masquer l’origine des fonds initialement placées.
Plusieurs
techniques sont également utilisées dans cette phase.
La
valse des transferts bancaires. L’argent sale est
transféré de comptes en comptes, entre des banques de plus en plus renommées.
Ainsi, à partir d’un compte sur un paradis fiscal, l’argent va être viré sur un
compte d’une petite banque étrangère, puis sur un autre compte étranger et
ainsi de suite. Chaque banque se couvre de la respectabilité de la banque
précédente. Le but est de faire en sorte qu’il soit très difficile pour un
enquêteur de faire le lien entre le dépositaire final du compte et l’origine
des fonds. Cette technique est facilitée par l’opacité et la rapidité des
systèmes de transferts bancaires, notamment ceux gérés par l’organisme SWIFT.
Les
services sur internet. Les services en ligne sur internet permettent de
déculper les possibilités de blanchiment. Le principe est le même que pour les
casinos, les restaurants. Mais cette fois-ci, les transactions bancaires
remplacent l’argent liquide.
La
3ème phase : l’intégration (absorption
dans des circuits légaux). Cette phase appelée également « essorage» ou
« recyclage » est l’étape finale. Ce dernier maillon de la chaîne
consiste à conférer une apparence légitime aux gains provenant d’activités
illicites. Les fonds sont réintroduits dans l’économie légitime où ils vont se
mélanger à des fonds d’origine licite donnant ainsi l’apparence de provenir
d’une activité économique normale. Sur le plan international, essorer de
l’argent blanchi est un jeu d’enfant pour les spécialistes financiers. La
mondialisation offre de multiples possibilités pour l’investissement de
capitaux devenus propres ».
(Source
livre du colonel Abdoulaye Oumar Dieng sur le blanchiment)
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