dimanche 23 juin 2013

Lu pour vous: Macky Sall dans Jdd sur la viste d'Obama: "Je dirai à Obama Dalal ak Diam"(bienvenue en paix)

 
INTERVIEW - Le président du Sénégal, Macky Sall, recevra mercredi Barack Obama à Dakar. Du continent noir, le chef de la Maison-Blanche, de père kényan, n’avait jusqu’à présent visité que le Ghana. Extraits.



Seize mois après son élection, le successeur de Senghor, Diouf et Wade, revient sur la question terroriste au Sahel, l’avenir du Mali voisin et la fin de vie de Mandela. Il a reçu le JDD cette semaine à Londres en marge du sommet du G8.
Pourquoi Barack Obama a-t-il choisi le Sénégal, pays francophone, comme première étape de sa tournée africaine?
L’ambassadeur américain à Dakar m’a appelé en mars pour me dire que ce serait le cas. Lors de mon précédent passage au mois de mars à Washington, je l’avais invité mais je ne pensais pas que cela viendrait si vite. J’en suis honoré et ravi. C’est un signe d’encouragement pour le Sénégal à poursuivre sa consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie, l’un des biais par lequel Barack Obama veut construire sa relation avec l’Afrique. Le Sénégal a toujours été à la pointe du combat démocratique. En 2012, (scrutin au cours duquel le président Wade cherchait à obtenir un troisième mandat) la volonté du peuple sénégalais pour rester dans la voie démocratique a été déterminante.
Par quels mots allez-vous accueillir Obama?
Je lui dirai "Dalal Ak Diam", "bienvenue en paix chez nous!"
La politique africaine des Etats-Unis a depuis longtemps privilégié le "trade" (le commerce) sur l’ "aid" (les dons et subventions). C’est comme cela que vous voyez les choses?
Oui, parce que de toute façon l’aide publique au développement est de plus en plus difficile à mobiliser, surtout par ces temps d’austérité budgétaire. Mais le commerce, cela signifie aussi l’investissement et le partenariat. Or l’Afrique a besoin d’investissement pour exploiter son formidable potentiel économique handicapé par la faiblesse des infrastructures. Tout le monde a intérêt à s’y mettre, que ce soit l’Amérique, l’Europe ou l’Asie.
L’afro-pessimisme, c’est fini?
Il y a dix ans, il battait son plein, les clichés sur les catastrophes humanitaires et les conflits ethniques. Mais pendant ces dix ans, on a également assisté à un bond considérable de la croissance, réelle, en moyenne à 5 ou 6% sur l’ensemble du Continent avec des pics à 8 ou 9% qui promettent de durer. Nous sommes 800 millions, bientôt un milliard de consommateurs avec une classe moyenne qui fera un bon tiers de cette population d’ici 2050, c’est un marché formidablement porteur qu’il ne faut pas voir pays par pays mais au niveau des régions. Le Sénégal par exemple c’est la porte d’accès à la CEDEAO, 300 millions d’habitants.
«Je ne remercierai jamais assez la France pour son engagement en faveur du Mali»
Qu’est ce qui a changé au Sénégal depuis votre arrivée au pouvoir? Il y avait énormément d’impatience et elle est loin d’être satisfaite sur le plan économique et social…
On ne peut pas accumuler les résultats positifs en un an seulement. Mais l’Etat de droit reste une réalité grâce au renforcement des lois contre l’impunité et pour une meilleure transparence budgétaire. Sur le plan économique, davantage de ressources sont allouées au secteur agricole. Cette année, j’ai également fait baisser l’impôt sur le revenu des salariés et le prix de certaines denrées de base comme le riz, le sucre ou l’huile pour les catégories les plus vulnérables.
Est-ce qu’au Sahel, six mois après le début de l’opération Serval, le plus dur a été accompli?
Je ne remercierai jamais assez la France pour son engagement en faveur du Mali. Sans cela, le terrorisme aurait fait main basse sur un État à partir duquel il aurait poursuivi son expansion. Grâce à Dieu et à cette intervention, cet appareil terroriste qui devait déstabiliser toute la zone sahélienne a été déréglé. Le plus dur a été fait. Les terroristes ont gardé des capacités à faire sauter une bombe ici ou là mais ce sont des risques avec lesquels il faut apprendre à vivre.
Qu’est ce qui fait que le Sénégal n’est pas à l’abri de la menace terroriste?
Le Sénégal partage avec les autres pays du Sahel les mêmes peuples et les mêmes frontières perméables puisque nos accords régionaux prévoient la libre circulation. Un malien qui veut venir au Sénégal n’a pas besoin de visa, ce qui complique la tâche de nos services de renseignement et comme certains de nos compatriotes ont été enrôlés par les terroristes, cela devient difficile.
«Nous avons surveillé l’activité de certains prêcheurs dans le nord du pays»
Votre ministre de l’intérieur a même parlé de cellules dormantes a même parlé de "cellules dormantes" au Sénégal…
C’est ce qu’il a déclaré dès le début de l’opération Serval lorsqu’un sénégalais, qui s’était rendu à Gao, a été arrêté. Nous avons pensé qu’il ne devait pas être seul. C’est pourquoi tous les pays de la région, y compris le Sénégal, font très attention.
Pouvez-vous confirmer qu’il y eu ces derniers mois des tentatives d’infiltration terroriste à Dakar, notamment auprès de la base militaire française?
Non. Mais il est exact que nous avons surveillé l’activité de certains prêcheurs dans le nord du pays.
Cela fait-il partie d’une tentative d’islamisation par des groupes salafistes de cette région nord, entre Saint Louis et la frontière?
Non, je suis moi-même issu de cette région du nord et notre islam est soufi, bâti sur neuf siècles de présence des confréries. C’est un islam pacifiste qui n’a rien à voir avec le djihadisme. Mais avec la crise et le rôle croissant des narcotrafiquants, il est plus facile de pénétrer les populations. Malgré tout, l’islam confrérique est un gage de stabilité et, en m’adressant aux leaders religieux, je m’engage à défendre le modèle islamique sénégalais, un modèle de tolérance et de cohabitation intelligente avec la petite minorité chrétienne.
Est-ce que la France a eu raison d’imposer la date du 28 juillet pour l’élection présidentielle au Mali?
Je récuse le terme "imposer". L’élection a été ardemment souhaitée parce qu’on ne peut pas se permettre de continuer à traiter de la reconstruction politique du Mali si ce pays dispose d’institutions illégitimes. La question touareg ne peut pas être résolue avec des gouvernements de transition mais avec une autorité élue pour cinq ans afin de porter le combat de l’unité nationale sur la durée.
«Je prie pour Mandela et j’aimerais bien qu’il finisse son propre siècle en allant jusqu’à 100 ans!»
Les Nations Unies organisent la semaine prochaine une conférence à Yaoundé sur la piraterie maritime et sur la lutte contre les trafics en Afrique de l’Ouest. Pourquoi les États de cette région sont-ils si impuissants face aux narcoterroristes?
Vous touchez du doigt une faiblesse de notre continent. On nous demande beaucoup et il est vrai que la première vocation d’un Etat est de sécuriser son territoire pour défendre sa souveraineté. Mais lorsqu’on a des enfants à nourrir au quotidien, des taux démographiques encore élevés, des défis en termes de santé publique et d’infrastructures, nos priorités vont aux urgences sociales. J’ajoute que le FMI et la Banque Mondiale nous ont demandé pendant des années de ne pas injecter de ressources dans les dépenses sécuritaires et d’armement pour privilégier les programmes sociaux. Donc l’Afrique est faible sur le plan sécuritaire. A-t-on vraiment les moyens de se doter d’avions de chasse? Nous sommes donc vulnérables et il faut essayer de se défendre. Le Mali a prouvé que sans sécurité, il ne peut y avoir de développement. Raison pour laquelle nous approuvons la tenue du prochain sommet France-Afrique en décembre prochain sur le thème de la sécurité.
Mais les trafiquants bénéficient de complicités jusqu’au sein même des appareils d’Etat…
Oui, c’est le cas dans l’un de nos pays voisins où l’administration est paralysée. Nous sommes tous menacés de ce point de vue, d’autant que nous sommes des territoires de transit. Le combat doit donc être mené au niveau international pour que l’on se coordonne mieux.
Un mot sur Nelson Mandela. Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à lui?
Mandela, c’est une histoire fantastique. C’est un être exceptionnel qui a traversé presque un siècle. Il a consacré sa vie à la cause des noirs mais il a su pardonner. Pour nous, dirigeants d’Afrique, c’est un modèle d’humilité. Il aurait pu prolonger sa présidence avec un deuxième ou un troisième mandat. Il a préféré partir sans intervenir dans sa succession. Si l’humanité prie pour lui, c’est parce que c’est une légende vivante. Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer personnellement. Il est venu au Sénégal alors que j’étais en déplacement et lorsque je suis allé à Soweto, on s’est raté. C’est dire mon regret. Mais je m’inspire de sa philosophie. Il a lui-même dit qu’il n’était pas "un ange". C’est cette modestie qui fait sa grandeur. Je prie pour lui et j’aimerais bien qu’il finisse son propre siècle en allant jusqu’à 100 ans!
(Source Jdd)

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