jeudi 18 avril 2013

LU POUR VOUS: Confusion dans les médias américains après les attentats de Boston

L'impatience de l'opinion devant les tatônnements apparents de l'enquête sur les attaques terroristes survenues lundi 15 avril, à Boston, et la course effrénée des médias pour être le premier à annoncer l'identité et la motivation du ou des terroristes ont fait leur première victime, mercredi : la fiabilité de l'information.

Par Le Monde.fr
 
Devançant ses confrères, et sur la base d'une source anonyme présentée comme fiable au FBI, la chaîne CNN annonçait qu'un "suspect était sur le point d'être identifié" par les enquêteurs. L'homme apparaîtrait sur des images d'une caméra de surveillance des magasins Lloyd & Taylor en train de transporter puis de déposer un paquet entouré d'un drap noir sur le lieu de la seconde explosion. Il est acquis que les deux Cocotte-Minute renfermant le mélange d'explosifs et de ferrailles étaient enveloppées dans des tissus ou des bas nylon noirs dont des traces ont été retrouvées sur place.
L'homme, "de race blanche", selon la terminologie administrative américaine, apparaît sur ces images vêtu d'un blouson gris à capuche et porte une casquette d'une équipe de base-ball à l'envers. Rapidement, le futur utilisé par CNN était transformé par plusieurs médias en présent de l'indicatif : le FBI tenait une proie, un suspect était entre ses mains. Moins d'une demi-heure après, la police fédérale niait détenir le moindre "suspect" et demandait aux médias d'"exercer leur retenue" pour éviter de diffuser des informations non validées.
CONFÉRENCE DE PRESSE ANNULÉE SANS EXPLICATION
Elle annoncait une conférence de presse pour 17 heures. On allait enfin en savoir plus. Elle n'aura jamais lieu. Une demi-heure avant sa tenue, celle-ci était annulée sans autre explication. Vraisemblablement, un vif débat a eu lieu au plus haut niveau de l'équipe dirigée par le FBI, qui a finalement privilégié le silence pour le bien de l'enquête, quitte, pour un temps indéterminé, à accentuer un peu plus la déception de l'opinion.
Entre-temps, un nouvel épisode avait peut-être convaincu le FBI de ne pas se précipiter. Dans l'attente de voir un suspect déféré devant un juge, des centaines de journalistes avaient accouru au tribunal fédéral de Boston. Mais la montée en puissance de la rumeur créant sa propre mécanique, elle avait bientôt été suivie par une alerte à la bombe au palais de justice, obligeant les forces de l'ordre à l'évacuer immédiatement.
Cette rumeur-là était tout simplement un canular ou traduisait une volonté de nuire. "Il y a tant d'attente, tant de gens qui voudraient savoir qui a commis cette abomination que parfois, la pression sur les médias devient trop forte", expliquera plus tard une présentatrice de l'antenne locale de Boston de la chaîne CBS pour expliquer la précipitation de ses confrères.
"FRUSTRATION NATURELLE" DE L'OPINION
Que sait-on de l'état de l'enquête ? Le FBI a effectivement identifié des images vidéo qui lui apparaissent potentiellement essentielles. Après le visionnage de milliers de photos et vidéos prises par des particuliers ainsi que des heures d'images des caméras de surveillance et l'écoute d'un nombre incommensurable de conversations téléphoniques, le FBI estime qu'il s'agit des premiers éléments permettant de progresser dans la recherche d'un suspect. Quant aux images, elles datent d'une heure environ avant l'explosion.
Enfin, une personne a bien été interrogée, sans que l'on sache s'il s'agit de celle apparaissant sur les images. En revanche, personne n'a été arrêté. Et on ne dispose d'aucune certitude sur le nombre des terroristes, leur identité, leur motivation. Deval Patrick, le gouverneur du Massachussetts, a dit comprendre la "frustration naturelle" de l'opinion "tant que les auteurs [des attentats] n'auront pas été attrapés", mais il a prévenu : l'enquête "sera lente".
Les conséquences de cette lenteur, et donc du maintien de l'incertitude, commencent à se faire sentir. Dans les grandes villes, le nombre des alertes aux colis suspects est en hausse. Et un suspect, en lien avec les lettres contenant de la ricine envoyées à plusieurs responsables américains dont le président Barack Obama, a été arrêté mercredi dans le Mississippi.

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