Partis -5%. Amath Dansokho,
Abdoulaye Bathily, Landing Savané. Des noms qui reviennent toujours dans l’histoire des élections au
Sénégal. Candidats ou initiateurs de pôles ou de coalitions, ces leaders de
partis de Gauche ont marqué l’histoire politique du Sénégal par autant par la
pertinence de leurs idées et stratégies politiques que par leur capacité de
nuisance. Mais ces partis et ce qui reste de leurs leaders sont devenus de
«patentés faiseurs de Présidents» qui évoluent dans la périphérie du pouvoir
(Amath Dansokho et Abdoulaye Bathily, tous les deux ont contribué de façon
remarquable à l’élection de Macky Sall comme président, mais ils sont toujours
à la périphérie du pouvoir comme se simples ministres conseillers du
président). Jamais satisfaits (échec connu sous les « gouvernements de
Majorité Présidentielle Elargie » de l’ère Diouf et sous les gouvernements
de Wade de 2000 à 2011, pourquoi ces partis n’ont jamais pu dépasser le cap des
2% aux différentes élections présidentielles. Une question que l’actuel
secrétaire général du Pit, Maguette Thiam, trouve « importante ».
Parce que dit-il, la plupart des partis de Gauche comme le leur, ont choisi
d’aller aux élections, de conquérir le pouvoir par la voie démocratique. Mais
la réalité est que dans tout ce qu’il y a eu comme élection aux dernières
périodes, le score des différents protagonistes des partis de gauche, et si on
s’en tient à la dernière élection présidentielle et législative, les forces de
Gauche, n’auraient peut être pas de score extraordinaire. Mais, M. Thiam,
estime que cela n’est pas la base d’observation la plus juste. En effet,
explique-t-il, « beaucoup de gens ne l’ignorent pas, des secteurs de
l’opinion insistent pour que nous allions sous notre propre bannière aux
élections et il est évident que si nous le faisons, beaucoup de secteurs qui
veulent s’exprimer en choisissant de soutenir la Gauche pourront se mobiliser,
je ne dis pas seulement voter pour nous, mais faire mobiliser pour voter pour
nous ». Pour le secrétaire général d’Aj/Pads, Mamadou Diop Decroix, le
faible score des partis de Gauche, est lié à l’histoire même de la
Gauche. A en croire, Mamadou Diop Decroix, c’est le mépris de l’argent. Quand
ils étaient jeunes, dit-il, ceux qui avaient de gros salaires avaient honte de
le dire. Les préfèrent ne pas être riches. Les gens qui étaient très à l’aise,
ils rasaient les murs. Même dans le système de cotisation dans la
clandestinité, explique Decroix, il y avait un niveau de revenus quand les gens
l’avaient, on prenait systématiquement tout ce qui est dessus. Parce qu’on
considérait que l’argent embourgeoisait les gens. C’est pourquoi, soutient-il,
c’est le rapport avec l’argent qui explique ces faibles scores de la Gauche.
« L’argent, c’est le nerf de la guerre. Si vous n’avez pas d’argent, vous
ne pouvez pas sillonner le pays. Le
principal problème de la Gauche a été de ne pas avoir l’idée de rassembler les
moyens matériels et financiers nécessaires à ses ambitions pour le pays. Une
position partagée par Ousmane Badiane, le chargé des élections de la Ld. Pour
M. Badiane, la première raison c’est que les partis de Gauche sont toujours
marqués par l’esprit de clandestinité. Cet esprit de clandestinité fait qu’ils
ont des formes d’organisations qui ne s’adaptent à une démarche ouverte. Alors
que la prise du pouvoir ne peut se faire que par la voie des urnes. Ce qui
suppose qu’il faut une stratégie qui puisse assoir une ligne de marque large et
ouverte. Beaucoup de partis, dit-il, souffrent de cet héritage de la
clandestinité. La deuxième raison est liée à l’éparpillement des partis de
Gauche. Ce qui n’est pas de nature à favoriser une mutualisation des forces de
la Gauche et des forts rassemblements de Gauche capables d’impulser une
dynamique au niveau du processus électoral. Les partis de Gauche pris
individuellement, indique M. Badiane, ont des leaders charismatiques, une ligne
programmatique très claire, un projet de société très cohérent. Tous mettent en
avant un certain nombre de valeurs de solidarité de bonne gouvernance et
d’intérêt national de justice sociale. Mais les formes d’organisations et de
dynamique qu’ils devaient enclencher pour constituer des pôles très puissants
quand il y a des échéances majeures avoir un candidat en face des autres, font
défaut. A l’approche des scrutins présidentiels, les partis de Gauche,
préfèrent soutenir d’autres partis. La troisième raison est liée, selon M.
Badiane, aux moyens. De plus en plus avec l’évolution politique dans le pays
l’argent joue un rôle important pendant la campagne électorale. Le parti
libéral a un trésor de guerre. Avec la situation de pauvreté, l’argent joue un
rôle important. Les partis de gauche ne sont pas gâtés sur ce point. Au niveau international, poursuit-il, les
moyens sont avec l’ancienne puissance coloniale. Qui préfère financer les
partis qui ne sont pas de la Gauche, qui ont un sens élevé de l’intérêt
national. Mbaye Diack, le président de l’Ufpe pour sa part, met aussi
les faibles scores des partis de la Gauche dans le compte de leur éparpillement. C’est la
raison pour laquelle aucun parti de la Gauche n’a pu dépasser 2% réellement
dans les élections. Cet éparpillement de
la Gauche a fait qu’il n’y a pas de parti de gauche suffisamment représentatif.
Le secrétaire général du Msu, Massène a une explication tout autre. « Au Sénégal quand on parle de Gauche,
on pense aux communistes, puisque nous sommes dans un pays à majorité
musulmane, quand on parle de communistes on dit qu’ils ne croient pas en
Dieu.
Avenir de la Gauche sénégalaise. Quel avenir pour ces partis de Gauche ? A cette
question, les réponses divergent. Massène Niang pense quelle a un avenir. Mais
c’est à une condition. « Oui, la
Gauche a de l’avenir. Mais à condition que les gens fassent leur auto
critique » dit-il. Pour le patron du Msu, les partis de Gauche ont fait
plus de 20 ans, cela n’a pas marché. Il faut qu’ils se mettent autour de la
table, réfléchissent sur de meilleures orientations de la Gauche. « Et
compte tenu de la sociopolitique du pays, où si le khalife général des mourides
demande à ses talibés de ne pas voter un parti d’obédience anti-islamique, vous
n’aurez rien. Parce que les gens ne sont pas aussi émancipés que cela au
Sénégal » analyse Massène Niang. Pour Mbaye Diack, on
ne peut pas dire que les partis de Gauche n’ont pas d’avenir devant eux. Leur
avenir dépend selon lui de la nouvelle génération. Il faudrait, soutient-il,
qu’elle prenne conscience de la nécessité de discuter franchement et de
constituer un véritable pôle de Gauche. « En 2000, on a créé un pôle qui a
abouti à la création de la Ca 2000. Mais dès l’alternance est arrivée chacun
est allé de son côté. Chacun est allé négocier avec Me Abdoulaye Wade et
Idrissa Seck. Il y a même eu des rivalités internes entre les éléments du pôle
de Gauche de la Ca 2000. Il faut que les jeunes en prennent conscience »
conseille M. Diack. Cependant, M. Diack voit dans le fait que l’idéologie n’est
pas développée au niveau des jeunes générations, le que les gens ne lisent
plus, qu’il n’y a plus d’école de partis, qu’on ne discute pas de programme
réel, qu’on ne discute plus des différents programmes politiques qui existent à
travers le monde, un véritable handicap qui pourrait compromettre l’avenir des
partis de Gauche. Du côté du Pit, l’heure est l’ouverture. « Nous sommes
très ouverts au niveau du Pit à créer des conditions à être ensemble »
soutient Maguette Thiam. Au niveau de Aj, l’avenir de la Gauche, réside selon
Mamadou Diop Decroix, à continuer à croire à des idéaux. « Je pense que la
situation dans le monde globalement considéré aujourd’hui et la situation du
Sénégal d’aujourd’hui, montre clairement que les idées et les idéaux de la
Gauche sont plus actuels que par le passé. Même ce débat sur les valeurs, on
parle aujourd’hui de crise de valeurs, de crise de repères, le cri de
ralliement des peuples aujourd’hui, c’est autour des valeurs. Cela a été
toujours la recherche de la Gauche. Elle n’avait pas d’argent, mais avait ses
valeurs, c’était cela sa richesse. Il faut travailler à accroître son influence
et sa présence, mais autour justement de ce socle de valeurs et de la
vision » indique Mamadou Diop Decroix. Si la Gauche ne s’occupe pas de cela, ce sera très difficile de
conquérir le pouvoir pas dans le sens de distribuer de l’argent de gauche à
droite, mais des moyens financiers pour faire son travail.
Retrouvaille de la
Gauche ? Pour ce qui est des
retrouvailles des partis de la Gauche, Ousmane Badiane, pense que c’est
possible. Mais à condition, dit-il, « qu’on fasse le bilan de son action
soit fait et qu’on surmonte les rancœurs pour l’intérêt la Gauche ». Pour Mamadou
Diop Decroix, tant que la Gauche ne règle pas ses problèmes, tant qu’elle ne
partage pas une vision avec le peuple, tant qu’elle n’est pas ancrée de plus
que par le passé autour de socle de valeurs et de repères et avoir le nerf de
la guerre, on aura beau parler, peut être qu’on accroitra l’influence dans les
décisions du gouvernement, mais on ne se retrouvera pas pour aspirer à
conquérir le pouvoir en tant que Gauche. Toute retrouvaille de la Gauche,
semble utopique selon Mbaye Diack. « C’est utopique. Il y a des
divergences entre ces différents partis et au niveau de leurs leaders. Je ne
pense qu’il soit facile de reconstituer la Gauche » soutient-il. Cependant,
précise-t-il, « ne perdons pas espoir. Parce qu’il y a les générations qui
se renouvellent petit à petit. Peut être que le subjectivisme qui a caractérisé
certains leaders, qui empêche que les gens se parlent franchement, pour que les
gens se retrouvent, les nouvelles générations parviendront à lever cela ».
La recette de Massène Niang, pour des retrouvailles réside dans une approche
participative. Il faut s’orienter vers les instruments de développement social
et de solidarité comme les coopératives, les mutuelles essayer d’impliquer
toutes les populations dans l’élaboration de stratégies de développement.
« Si nous faisons dans le radicalisme, on n’aura rien » prévient-il.
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