Pourquoi les sénégalais ont peur de donner leur sang ?
La vente ou le « business » du
sang dans les hôpitaux sénégalais alimente les débats dans certains milieux à
Dakar. Vrai ou faux ? Nous avons posé la question au Directeur du Centre de Transfusion
Sanguine (Cnts), le Pr Fallou Diop, en marge de la cérémonie de don de sang
organisée par les femmes de l’Afp le 08 Mars dernier.
Vente de sang ?
Le débat sur la vente de sang des donneurs dans les hôpitaux sénégalais fait
rage. Si certains sénégalais sont toujours réticents à donner de leur sang pour
sauver des vies, c’est qu’aujourd’hui au Sénégal, des informations persistantes
font état de la vente de sang dans les hôpitaux du pays. Une situation qui
amène beaucoup de sénégalais à s’abstenir de donner du sang. Ce qui entraine un
déficit criard du liquide vital dans les structures hospitalières du pays. Face
à telle situation, le directeur du Centre de Transfusion Sanguine, le Pr Fallou
Diop a tenu à apporter des précisions à cette question. Interpellé sur le sujet
le Pr Diop, a nié en bloc toute idée de vente de sang dans les hôpitaux
sénégalais : « Il a été clairement identifié que tous les patients
qui sont dans les structures publiques n’achètent pas du sang. Le produit est gratuit
dans toutes les structures publiques » a précisé le directeur du Cnts.
Mieux renseigne-t-il : «On fait des enquêtes pour savoir pourquoi les gens
refusent de donner du sang. En général, la réponse que nous avons, c’est n’est
pas parce que les structures sanitaires vendent le sang » dit-il. Ce qui
nous revient, selon le Pr Diop, c’est que « les gens ne connaissent pas le
don de sang. Ils pensent qu’en donnant du sang, ils peuvent tomber malades. Ils
peuvent perdre du poids, ils peuvent être anémiés ». Alors que précise le
Pr Diop : « Il y a un examen médical qui valide le don de sang avant que
le prélèvement ne soit fait ». L’autre raison selon le directeur du Cnts,
est d’ordre économique : « Pour des raisons économiques, les gens qui
vont au travail tous les jours, n’ont pas le temps de venir au centre pour
donner du sang ». Cette contrainte, dit-il, le centre essaie de la gérer
en organisant des collectes dans certaines structures pour leur faciliter
l’accès au don de sang. « On construit aussi des postes de proximité,
c’est le sens de la construction du centre de don à l’hôpital le roi Baudouin.
Nous allons faire des postes de ce type à Pikine, aux Parcelles Assainies et à
Rufisque ». Au Sénégal, selon le
directeur du Cnts, « les femmes représentent 80% des personnes qui
reçoivent le sang. Cela veut dire que quand on s’implique dans le don de sang,
on s’implique pour les femmes ». Malheureusement, fait remarquer le Pr
Diop, « il n’y a qu’un quart des donneurs de sang qui sont des femmes.
Cela veut dire qu’il y a une sensibilisation à faire auprès des femmes pour
qu’elles dédramatisent cet acte. Qu’elles comprennent que c’est un acte civique
et citoyen, mais qui n’a aucune conséquence médicale ». Pour les rassurer,
le directeur du Cnts, explique le processus : « Avant de donner du sang,
il y a un médecin qui vous consulte pour voir si vous êtes apte à faire cet
acte. Il n’y a aucun risque pour le donneur. C’est une activité qui est noble.
Dans tous les pays, cette compréhension que les femmes doivent s’impliquer dans
le don de sang doit s’étendre ». La stratégie pour le ministère de la santé,
soutient-il, était de travailler de telle sorte que dans toutes les 14 régions
du Sénégal, qu’il y ait des structures de transmission ». Une stratégie
qui semble avoir payé. Puisqu’à en croire, le Pr Fallou Diop, « il y a des
banques de sang dans toutes les capitales régionales ». Selon le directeur
du Cnts, « donner du sang est un acte de solidarité et de justice. On ne
sait pas si donnant du sang, demain on en aura besoin ».
Statistiques.
(53 000 dons en 2012) Malgré
la peur bleue de certains sénégalais a donné leur sang pour sauver des vies, il
y a une lueur d’espoir dans les statistiques sur les tendances du don de sang
au Sénégal. Selon le Pr Fallou Diop, il y a une augmentation du nombre de
donneurs de sang au Sénégal depuis une dizaine d’années. « L’année
dernière, il y a eu 53 000 dons dans
tout le pays. Si on considère seulement le Cnts, on a eu 24 000 dons
l’année dernière. Cela veut dire que les dons de sang qui se font au Cnts, font
la moitié du don de sang qui se fait dans le pays. Il y a une progression
constante depuis une dizaine d’années. Les six dernières années, le nombre de
donneurs de sang à Dakar a doublé » assure le Pr Diop. Cela est rendu
possible, reconnaît-il, grâce aux actions de sensibilisation des populations, de
la presse, des leaders d’opinion. Autant
les statistiques à l’échelle nationale sont bonnes, autant sur les normes
internationales notamment de l’Organisation mondiale de la santé (Oms), le
Sénégal traîne les pieds : «Nous sommes en retard par rapport au nombre de
don qu’il faut au Sénégal. L’Oms demande que pour chaque millier d’habitant, il
faut 10 dons de sang. Au Sénégal pour chaque millier d’habitant, on a 4,5 dons
de sang. C’est-à-dire il faut qu’on multiplie à 2,5 fois le nombre actuel pour satisfaire nos besoins
en produits sanguins » fait-il remarquer. Un travail dur à abattre :
« On a du travail à faire. Aucune mesure n’est de trop pour mieux sensibiliser
et pour faciliter l’accès au don. Pour que toute personne qui veut faire un don
de sang, puisse le faire. Soit qu’on se déplace vers les populations, ou qu’on
organise des horaires qui puissent leur permettre de donner du sang »
envisage le Pr Diop.
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